NEURONES MIROIRS : COMPRENDRE LES AUTRES EST UN PHÉNOMÈNE BIOLOGIQUE

18/03/2014 19:46

 

SCIENCES

                        NEURONES MIROIRS : COMPRENDRE LES AUTRES EST UN PHÉNOMÈNE BIOLOGIQUE

14 MARS 2014 JEANNE PINARD UN COMMENTAIRE

Jusqu’au milieu des années 90, la capacité des hommes à comprendre les actes et les intentions d’autrui était attribuée à une suite de raisonnements logiques très rapides, semblables à ceux utilisés pour la résolution d’un problème mathématique. La découverte du « système miroir » en 1996 par une équipe de neuroscientifiques de l’université de Parme va venir bouleverser ces certitudes. Grâce aux techniques d’imageries fonctionnelles, qui permettent d’étudier le cerveau en action, l’équipe de Giacomo Rizzolatti a mis en évidence une catégorie particulière de neurones chez le singe.

 

Ces neurones sont dits « miroirs » parce qu’ils s’activent non seulement quand le macaque réalise une tâche mais aussi lorsqu’il regarde un congénère effectuer cette même tâche. Les scientifiques ont initialement observé les neurones miroirs dans les zones du cerveau qui contrôlent les mouvements volontaires (cortex précentral). En approfondissant leur étude, ils ont rapidement constaté que l’impact des neurones miroirs ne se limite pas à la simple décomposition de l’action observée.

La représentation de l’objectif

Lorsque le singe observe l’action de son congénère ou de l’homme qui lui sert d’exemple, les neurones miroirs reflètent non seulement lemouvement mais aussi l’objectif de celui-ci. Pour arriver à cette conclusion, Giacomo Rizzolati et son équipe ont mis au point une série d’expériences très simples mais déterminantes pour la compréhension du système miroir.

Ils ont tout d’abord voulu savoir si le singe, grâce à ses neurones miroirs, peut se représenter une action sans la voir. Les scientifiques ont enregistré l’activité de ces neurones lorsqu’un singe observe diverses tâches manuelles qui impliquent un bruit distinctif (une cacahuète que l’on écrase, une feuille de papier déchirée). Ils ont ensuite diffusé ces bruits sans que le singe ne voie l’action et ont découvert que les neurones s’activent également.

De façon similaire, le singe a regardé un homme attraper un objet. Les scientifiques placent ensuite un écran opaque devant l’objet, de manière à ce que le singe ne voie pas la main le saisir. Dans la première et la seconde situation, les mêmes neurones miroirs s’activent. Le singe a su représenter mentalement l’élément caché derrière l’écran et activer son système miroir de manière à saisirl’objectif du mouvement, qui est de prendre l’objet.

L’importance de l’intention

Encouragé par les résultats obtenus quant à la compréhension de l’acte et de son objectif, Giacomo Rizzolati a voulu déterminer la capacité du système miroir à deviner les intentions.

Les expériences menées par l’équipe ont démontré que les neurones miroirs sont organisés en circuits qui déchargent de manière plus ou moins forte en fonction du but associé à l’action.

Par exemple, lorsque qu’un macaque observe un homme prendre un fruit pour le manger, une partie des neurones miroirs s’active fortement. Lorsque l’homme prend un fruit et le pose dans un récipient, l’activité de ces neurones miroirs diminue et un autre 

circuit prend le relais.

La découverte des neurones miroirs prouve que la capacité à saisir instantanément les intentions et les actes d’autrui n’a rien d’un processus raisonné. Elle dépend avant tout d’un mécanismebiologique et génétique. Les résultats concluants des expériences chez le singe ont corroboré l’idée que ces neurones miroirs existent chez l’homme. Leur présence a effectivement été prouvée en 2010, grâce à l’évolution de l’imagerie médicale.

Les retombées de cette découverte sur le domaine des neurosciences et de la psychologie sont larges et vont certainement bouleverser des années de recherches sur la nature de nos relations interpersonnelles. En 2000, le célèbre neuroscientifique V.S Ramachandran, directeur du Centre pour le cerveau et la cognition de l’Université de Californie déclarait :

« Je prédis que les neurones miroirs feront pour la psychologie ce que l’ADN a fait pour la biologie. Elles vont fournir un cadre unifiant et aider à expliquer une quantité de dispositions mentales qui jusqu’à maintenant restaient mystérieuses et inaccessibles à l’empirisme. »

 

https://blog.thinkovery.com/neurones-miroirs-comprendre-les-autres-phenomene-biologique/